Une Histoire d’histoires

Traduction officielle du Chapitre 3 de la série « The Story of Us » du blog Wait But Why par Tim Urban.

Ceci est le Chapitre 3 d’une série. Si vous découvrez la série, visitez la page d’accueil de celle-ci pour une table des matières complète.

Chapitre 3 : Une Histoire d'histoires

Dans le dernier chapitre, nous faisions connaissance avec le géant des humains.

Nous avons parlé d’émergence, et en quoi le géant est le reflet de l’humanité, quelques étages au-dessus de l’individu dans notre tour.

Fabriquer des géants était une nécessité pour nos ancêtres. Une tribu humaine était plus que la somme de ses parties, en force physique, en productivité, et en connaissance.

Compte tenu des pouvoirs de l’émergence, ces grands géants humains seraient des unités dont il faudrait tenir compte. Mais, à la différence des fourmis, les humains ne constituent pas seulement des cellules au sein de géants en compétition : ce sont également des individus en compétition. Ainsi, à mesure que les tribus s’agrandissent, les avantages de la force et du potentiel se paient par une instabilité croissante. La cohésion d’une tribu humaine est assurée par une colle moins forte que celle d’une colonie de fourmis ; et plus la tribu est grande, plus il est difficile pour cette colle de tenir le coup. C’est en partie pour cette raison que la taille des groupes d’animaux complexes tels que les loups, les gorilles, les éléphants et les dauphins avoisine un peu moins de la centaine d’individus.

Les premières tribus humaines étaient probablement semblables aux tribus d’autres grands singes – soudées principalement par des liens familiaux. La parenté est une colle naturelle toute trouvée, dans le sens où les animaux sont programmés pour montrer de l’intérêt envers l’immortalité de ceux détenants les gènes les plus semblables aux leurs – les humains étant donc plus enclin à s’asseoir sur leurs intérêts personnels au profit d’un groupe lorsque celui-ci représente la famille. Ceci explique pourquoi les gens sont prêts, de nos jours, à faire d’énormes sacrifices pour les membres de leur famille.

C’est entre les parents et les enfants que cette colle se révèle la plus forte, parce que les gènes « savent » que des copies d’eux-mêmes résident dans ce conteneur qu’est leur descendance directe. Les gènes nous conduisent également à nous soucier égoïstement du bien-être de nos frères, sœurs, nièces et neveux puisqu’une version très semblable d’eux-mêmes vit en eux – mais nous ne nous soucions pas autant de ces personnes que de nos enfants. La colle s’amincit à mesure que la distance entre les liens du sang s’accroît. Comme le dit l’évolutionniste J.B.S. Haldane : « Je donnerais ma vie pour deux frères, ou huit cousins. »

Avec ça en tête, imaginons une grande famille élargie composée de 27 familles proches (petits-enfants et arrière-petits-enfants d’un seul et unique couple) vivant ensemble comme une ancienne tribu. 1

Disons que le type rouge est le chef de la tribu. Pour le chef et sa famille, la tribu ressemble à :
Plutôt sympa comme configuration. Le souci est que personne ne voit la tribu de cette façon – puisque chacun est au centre de son propre cercle. Prêtons attention à la sœur du chef et à sa famille :
Pour cette famille jaune, la tribu ressemble à ça :
Pas l’idéal, mais pas la fin du monde. Mais qu’en est-il des cousins au second degré du chef – comme la famille orange ? Ou la famille verte ?
Pour ces familles, et les 16 autres à l’intérieur de cet anneau, la tribu, c’est ça :

Et rappelez-vous comment fonctionne le système des cousins. Vos cousins au second degré ont le même degré de parenté avec vous, vos frères, vos sœurs et vos cousins germains – pour eux, vous êtes tous, au même titre, des cousins germains.

Donc, si le chef est votre petit-cousin, vous pourriez avoir l’impression qu’il appartient à un clan différent du vôtre.

Et dans l’état actuel des choses, celui qui est à la tête d’un clan est également le chef des trois – octroyant à son clan un rang plus élevé et des privilèges spéciaux.

Maintenant, si chacun d’entre vous est plongé au cœur d’une rivalité avec le clan maléfique de votre cousin au troisième degré dans le village voisin, tout le monde restera sans doute uni, selon le proverbe bédouin2, lié comme une forme de vie à part entière par la menace d’une autre forme de vie, rivale et de taille égale.

Mais s’il n’y a pas de tribu maléfique du cousin au troisième degré ? Sans la force de cohésion générée par un ennemi commun, si vous êtes l’alpha de votre clan, vous pouvez décider que vous n’aimez pas le statu quo, et aller vous battre contre l’autre clan, ou rompre en créant votre propre tribu.

Lorsqu’une vague tribu maintenue ensemble par une colle faible devient de plus en plus grande, elle s’assouplit et devient de plus en plus lâche, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus en préserver l’unité, et qu’elle vole alors en éclats.

Ce phénomène impose naturellement un plafond à la taille du géant humain – et donc, au pouvoir humain lui-même.

Sauf que je suis présentement assis dans une ville de 8 millions d’habitants qui se trouve à l’intérieur d’un pays de 325 millions d’habitants.

Donc, qu’est-ce qui s’est passé ?

Pour nous aider à répondre à cette question, faisons intervenir les Johnsons.

Les Johnsons ont des problèmes. D’abord, il y a Moochie.

Moochie ne vient jamais quand les Johnson l’appellent, et dès qu’ils ouvrent la porte d’entrée, Moochie saute par la porte et s’enfuit.

Et puis, il y a Lulu.

Tous les soirs, après que les Johnsons aient mis Lulu au lit, elle attend qu’ils quittent la pièce, puis elle se faufile par la fenêtre pour aller se balader avec le sale gosse qui vit au coin de la rue.

Pas terrible. Alors les Johnsons concoctent un plan.

Ils se procurent des sauci-snack Snausages, et chaque fois que Moochie rapplique quand ils l’appellent, ils lui donnent une friandise. Et ils installent une clôture électrique autour de leur maison.

Et Moochie s’y fait bien.

Mais qu’en est-il de Lulu ?

Les Johnsons auraient pu opter pour une stratégie similaire, en donnant des bonbons à Lulu pour qu’elle reste à la maison la nuit, et en tapissant l’encadrement de sa fenêtre de fils électriques sous tension.

Mais ils lui parlent plutôt du Père Noël. Ils disent à Lulu que A) le Père Noël est omniscient – il sait quand elle dort et il sait quand elle est réveillée et il sait quand elle a été gentille ou méchante ; et B) quand le Père Noël s’introduira chez eux à Noël, il lui déposera des cadeaux si et seulement si elle a été sage.

Après avoir entendu ça, Lulu met fin à son aventure avec le sale gosse.

Tant mieux pour les Johnsons.

Allez, décortiquons ça.

Le comportement d’un animal n’est pas une entité indépendante. C’est la variable dépendante de cette équation :

Les motivations primaires d’un chien sont câblées en son sein via son logiciel. Le logiciel est le véritable dresseur, utilisant une variété de plaisirs chimiques et d’électrochocs chimiques pour piloter l’animal au gré de ses gènes.

Si la vie d’un animal est un jeu où l’on poursuit les sensations agréables et évite celles qui sont désagréables, l’environnement de l’animal est la course d’obstacles qui se tient entre lui et toutes ces délicieuses récompenses chimiques.

Le comportement de Moochie n’est donc qu’un reflet de ses motivations propres et de l’environnement qui l’entoure. Si vous voulez changer son comportement, il vous faut changer une des variables indépendantes de l’équation – la nature de Moochie, ou son environnement. Si nous avions une interface cerveau-machine, nous pourrions éventuellement recâbler le logiciel de Moochie pour que les décharges de dopamine soient par exemple déclenchées par les beaux-arts, plutôt que par le fait de se gaver de bouffe.

Mais c’est vachement moins prise de tête de simplement changer son environnement. En donnant à Moochie un sauci-snack à chaque fois qu’il obéit à leurs ordres, ou en l’électrocutant nonchalamment lorsqu’il essaie de s’enfuir, les Johnsons peuvent relier un certain type de comportement dont son logiciel se moque avec un autre dont il ne se moque pas. Moochie le bon chien est toujours aussi égoïste que Moochie le mauvais chien. Il n’aime toujours pas dépenser son énergie à obéir à des ordres barbants, mais, avec le changement des conditions environnementales, les inconvénients de l’effort, plus le positif du sauci-snack, ça donne un résultat net positif, alors il obéit. De la même manière, il a toujours la furieuse envie de s’enfuir, mais entre [ne pas s’enfuir + ne pas être électrocuté] et [s’enfuir + être électrocuté], il choisit la première option.

D’une certaine façon, les humains sont comme Moochie.

Ils sont câblés par un logiciel primitif pour avoir certaines motivations, et ils vivent dans un environnement qui se tient entre eux et ce qu’ils veulent – avec leur comportement comme variable dépendante.

Mais avec les humains, les choses se compliquent.

Premièrement, leurs motivations primaires sont extrêmement complexes. En plus de tous les désirs standards des animaux, les humains sont influencés par toutes sortes de sauci-snack bizarres et de clôtures électriques. Ils désirent avidement renforcer leur estime de soi et veulent éviter la honte. Ils aspirent aux louanges et à l’acceptation et détestent la solitude ou l’embarras. Ils sont ardemment en quête de sens et d’épanouissement et craignent le regret. Ils se sentent gratifiés d’aider les autres et coupables lorsqu’ils causent de la douleur. Ils sont terrifiés par leur propre mortalité.

Avec autant de facteurs en jeu, la motivation humaine se résume souvent à des priorités personnelles et à ce qui compte le plus pour les gens, c’est-à-dire leurs valeurs. Les humains ont aussi une relation compliquée avec la moralité, et leur conception de ce qui est bien et de ce qui est mal intervient aussi dans l’équation.

Les valeurs et la morale ont le pouvoir d’écraser les pulsions innées de l’être humain. Lorsque des caractéristiques comme l’honnêteté, l’intégrité, la générosité, la bienséance, le respect, la loyauté ou la gentillesse sont valorisés, les gens se comportent différemment que lorsqu’elles ne le sont pas. Si trois humains aux pulsions sexuelles identiques valorisent respectivement la monogamie, le polyamour et le célibat, alors ils se comporteront de trois manières différentes en matière de sexe.

La bulle « environnement » s’avère, elle aussi, être plus corsée chez les humains.

Les chiens ont tendance à se comporter comme des penseurs s’appuyant sur des preuves. Les Johnsons pourraient dire à Moochie que l’obéissance à leurs ordres lui délivrerait un sauci-snack, mais il n’en ferait rien. Ils pourraient le lui promettre cent fois ; Moochie s’en moquerait. Il n’en croira jamais un mot tant qu’il ne l’aura pas vu de ses propres yeux / ne la goûtera pas de sa propre bouche. Si vous voulez qu’un chien change d’avis à propos de quelque chose, donnez-lui du solide, du concret.

Les humains apprennent aussi par l’expérience directe, mais leurs capacités de communication avancée et d’imagination leur offrent une seconde voie d’apprentissage.

Revenons à Lulu une minute. Un truc que je n’ai pas dit à son sujet, c’est qu’elle surkiffe les baies. Et un jour, alors qu’elle fait sa vie, là dehors, elle tombe sur un arbuste fruitier.

Considérons maintenant quatre petits scénarios.

Scénario A : Lulu est seule quand elle rencontre le buisson à baies. Le plaisir des baies occupe une place très élevée dans la hiérarchie des valeurs de Lulu, et donc elle en mange une.

La baie est délicieuse, comme prévu ; mais cinq minutes plus tard, Lulu a la nausée, ce qu’elle déteste.

Le lendemain, elle rencontre le même buisson et s’arrête pour réfléchir à la situation. Elle décide que « ne pas avoir la nausée » > « se délecter des baies », et par conséquent n’en mange pas. Elle a appris la leçon à ses dépens, et a ajusté son comportement en conséquence.

Dans le scénario B, Lulu est avec son amie Mimi lorsqu’elles voient un autre buisson. Lulu tend la main pour en attraper une baie, quand Mimi lui dit :

Lulu fait une pause afin d’évaluer la situation. La perception qu’a Lulu de la réalité, basée sur sa propre expérience de vie, la conduirait à manger la baie. Mais d’après la représentation de la réalité de Mimi, le comportement optimal serait de l’écarter.

Tout en regardant fixement la baie, Lulu considère la fiabilité de Mimi. D’après son expérience, Mimi est généralement digne de confiance, alors Lulu décide d’incorporer la réalité de Mimi, dans ce cas-ci, à la sienne. Elle se laisse convaincre de ne pas manger la baie.

Le scénario C est comme le scénario B, sauf que, maintenant, Lulu est avec Kiki.

Quand Kiki l’avertit au sujet de la baie, Lulu repense à ses expériences avec Kiki, et se rappelle le jour où Kiki lui a dit qu’une fois, elle avait fait du toboggan sur un arc-en-ciel. Lulu a raconté l’histoire à sa mère, qui lui a dit qu’on ne pouvait pas glisser sur un arc-en-ciel. Concluant que Kiki est une putain de menteuse – qui cherche sûrement juste à garder toutes les baies pour elle-même – Lulu pouffe et mange une baie. Si elle tombait de fait malade, ce serait une occasion de mettre à jour son opinion sur la fiabilité de Kiki. Mais elle ne tombe pas malade – ce qui ne fait que renforcer son opinion. Saloperie de Kiki.

Le scénario D est exactement comme B et C, sauf que, cette fois, Lulu fait une balade nocturne avec le vilain garnement qui vit au coin de la rue, lorsqu’ils tombent sur l’arbuste.

Lulu médite. Elle est assez convaincue que son vilain keum a tendance à dire la vérité, mais il est aussi de notoriété publique qu’il est crédule. Elle creuse un peu plus.

Hum hum. Lulu sait qu’il ne suffit pas d’être sincère pour être digne de confiance. Dans le style classique des vilains garnements, il s’est fait blousé. Lulu mange la baie.

Dans le premier scénario, nous avons vu Lulu apprendre de nouvelles informations sur la réalité à partir de son expérience personnelle. Elle a acquis directement des connaissances qu’elle met à contribution pour prendre ultérieurement de meilleures décisions.

Dans les trois derniers cas, on a vu Lulu exécuter un tour de magie incroyable.

Dans chaque cas, une tierce personne a présenté à Lulu une perception de la réalité, l’inscrivant dans son imaginaire. Lulu, n’étant pas sotte, traite ses croyances comme un club privé, et elle traite les revendications des autres comme on traite la file d’attente devant la boîte. Le gardien de ses croyances – le videur du club – est le bon sens de Lulu. Dans ces trois scénarios, le « Videur de la Raison » a fait rentrer l’argument de Mimi dans la boîte, mais a refoulé les deux autres.

Dans le scénario B, Lulu a indirectement acquis des connaissances – en les « volant » à quelqu’un qui s’était farci la leçon des baies à la dure, permettant ainsi à Lulu d’apprendre ce pénible enseignement sans en faire les frais. Sans connaissance indirecte, pour que 100 personnes retiennent la leçon des baies, il faudrait que 100 personnes tombent malades. Avec celle-ci, 100 humains peuvent tirer l’enseignement d’un seul d’entre eux tombant malade.

Mais ce même super-pouvoir nous rend vulnérables.

La connaissance indirecte ne joue en votre faveur que lorsqu’elle est couplée à la raison. L’imagination explique pourquoi on peut s’investir émotionnellement dans un film d’horreur – et c’est la raison qui explique pourquoi on ne crie pas et on ne sort pas du cinéma quand un fantôme apparaît à l’écran. L’imagination vous permet de considérer une théorie du complot farfelue – la raison vous permet de ne pas la considérer comme vraie.

Mais que se passe-t-il si le videur se plante ?

Revenons-en au Père Noël. Les parents de Lulu ont estimé qu’entre la confiance qu’elle a en eux, la naïveté du videur inexpérimenté de la raison, et un petit coup de pouce du biais de confirmation venant de son inéluctable désir que cette savoureuse histoire soit la vérité, ils pourraient bien la lui faire à l’envers. Et ça a marché.

Si on veut changer le comportement de quelqu’un, plutôt que de changer ses motivations ou son environnement concret, on peut, plus simplement, modifier sa perception de la réalité. la troisième façon de manipuler un humain est un raccourci – une escroquerie – rendue possible par l’une des meilleurs ruses de l’évolution humaine :

L’illusion.

L’illusion est ce qui se produit lorsque le videur de notre raison échoue en tant que gardien de nos croyances – quand notre imagination est plus forte que notre jugement. C’est peut-être la qualité humaine la plus universelle qui soit. Et cela ajoute une toute autre composante au terme environnement de notre équation du comportement.

Les Johnsons n’avaient pas trop à penser, quand ils ont décidé de changer le comportement de Moochie. L’équation comportementale de Moochie offre un vainqueur stratégique incontestable : modifiez son environnement, et son comportement s’adaptera aux changements.

Avec Lulu, les Johnsons avaient tout un éventail de possibilités :

À bien des égards, l’histoire de l’humanité n’est qu’une version à plus grande échelle de cette histoire. La même boîte à outils que les Johnsons avaient à disposition pour changer le comportement de Lulu s’est révélée être une innovation évolutive époustouflante.

Imaginez dix meutes de loups différentes de la même espèce, vivant dans le même milieu naturel. Ils se comporteraient sensiblement de la même façon.

Au cours des millénaires, nature animale et environnement animal exécutent une sorte de tango de la vie et de la mort – l’environnement change, et le patrimoine génétique animal suit les pas de danse en s’adaptant aux changements, ou bien disparaît. Mais à l’échelle d’une vie, les motivations primaires d’une espèce et son environnement global ne changent guère. Elles s’apparentent plus à des constantes qu’à des variables, faisant plutôt du comportement une constante à son tour.

Considérons maintenant dix tribus humaines, vivant, comme les dix meutes de loups, dans un milieu naturel commun. La faculté humaine d’illusion implique que la perception de la réalité de ces dix tribus peut considérablement varier, se comportant ainsi de manière totalement différente les unes des autres.

Ajoutez à cela la complexité, la souplesse et la réversibilité des systèmes de valeurs humains, et les codes moraux – et vous obtenez une espèce dont le comportement résultant est le produit de multiples valeurs placées sur des axes à la variabilité sauvage.

maginez si les loups étaient comme les humains. Un lundi, tu fais une randonnée dans les bois, tu tombes sur une meute de loups, tu commences à flipper, mais rapidement, tu te rends alors compte que celle-ci pense que c’est mal d’être violent. Ils viennent te donner quelques léchouilles et reprennent leur route. Mardi, tu rencontres par hasard un nouveau groupe dont les membres sont convaincus que les jeunes humains jettent des sorts qui affament les meutes de loups, et que le seul moyen d’assurer leur subsistance est de les détruire. Tu attrapes ton gamin et tu t’enfuis, vous échappant de justesse. Mercredi, tu rencontres deux loups qui ne font pas du tout partie d’une meute, parce qu’ils sont convaincus que la plupart des problèmes dans le monde des loups découlent de la « suprématie de la meute ». Le jeudi, vous tombez à nouveau sur la première meute – celle pas du tout violente du lundi – et elle vous attaque sauvagement et vous tue. Parce qu’un loup missionnaire qui prêchait l’évangile de la violence a rendu visite à la meute mercredi et a changé leurs croyances.

Tel est le pouvoir des croyances humaines. Non seulement elles produisent un nombre incalculable de variantes comportementales – des millions de petites expériences évolutives – mais elles permettent une transformation comportementale radicale de n’importe lequel de ces comportements au cours d’une seule génération. Parfois en une seule journée.[footnote2]Une analyse plus approfondie de tout ça figure dans le Chapitre 2 de Sapiens.[/footnote2]

La variété est la source de toute innovation évolutive, et la flexibilité de nos croyances a fait de l’évolution humaine un paradis créatif.

Retournons dans le monde des anciens géants humains. Comme on a pu le voir, la colle du tribalisme brut n’est pas si forte, ce qui a imposé un plafond à la taille des tribus pendant longtemps.

Il ne s’agit pas seulement d’un problème humain – la coopération de masse est rare, n’importe où dans la nature. Les colonies de fourmis et d’abeilles semblent y parvenir, mais, en fait, elles ne font qu’utiliser la même astuce de la « colle via les liens familiaux » à l’instar des tribus humaines : ce sont toutes des frères et des sœurs d’une immense famille proche. Aucune femme humaine ne peut avoir des milliers d’enfants, donc les humains ne pouvaient pas effectuer de coopération de masse.

Mais s’agglutiner ensemble est un comportement. Et les comportements humains vivent dans un miraculeux laboratoire des variétés. Cette flexibilité supplémentaire ne pourrait-elle pas trouver un moyen de créer une ruche humaine ?

Nous avons déjà parlé de la façon dont chacun d’entre nous a une histoire personnelle – une fiction à laquelle nous croyons nous concernant, qui a tendance à orienter notre comportement et à devenir une prophétie auto-réalisatrice. Les scientifiques et les historiens relatent le même genre d’histoires, mais au sens collectif.

Dans son livre Sapiens, Yuval Noah Harari écrit sur les « réalités imaginaires » auxquelles nous croyons tous – non seulement des mystères comme le surnaturel ou le sens de la vie, mais de choses vraisemblablement concrètes, comme une entreprise, ou une nation, ou la valeur de l’argent. Le biologiste évolutionniste Bret Weinstein parle de ce qu’il appelle une « vérité métaphorique » – une croyance qui n’est pas juste, mais qui augmente les chances de survie de ses croyants. Un exemple qu’il donne est la croyance que les porcs-épics peuvent envoyer leurs piquants. En fait, ils ne peuvent pas – mais ceux qui pensent qu’ils le peuvent sont plus susceptibles de prendre leurs distances avec les porcs-épics et donc moins susceptibles d’être blessés par l’un d’entre eux.[footnote2]Une transcription de Bret Weinstein expliquant ceci peut être trouvée ici.[/footnote2]

L’histoire de l’humanité est une longue évolution du comportement humain, et le comportement humain est en grande partie gouvernés par les croyances humaines. Et comme Harari, Weinstein et d’autres le soulignent, ce qui a le plus compté dans notre passé n’est pas si nos croyances étaient vraies, mais si elles ont conduit au bon comportement.

A un moment donné, entre les tribus anciennes de 150 personnes et la mégalopole de New York, l’évolution humaine a bondi de l’escargot « survie de la biologie la plus adaptée » vers la fusée « survie des histoires les plus adaptées ».

Le virus « histoire »

Une histoire, pour nos besoins ici, est la panoplie complète des croyances d’un être humain – leurs croyances sur les valeurs et la moralité, leurs croyances sur leur environnement et le vaste monde dans lequel ils vivent, leurs croyances sur ce qui s’est produit dans le passé et ce qui arrivera dans le futur, leurs croyances sur la signification de la vie et la mort.

Dans le jeu de la survie des histoires les plus adaptées, qui gagne et qui perd ?

Eh bien, une histoire est comme un virus. Il ne peut exister seul – il a besoin d’un hôte. Dans le cas du virus « histoire », un hôte humain. Donc, la première condition préalable à une histoire adaptée est qu’elle soit habile pour tisser un lien avec son hôte. Un virus peut envahir un animal, mais s’il ne peut en faire son foyer à long terme, il ne s’en sortira pas.

On démarre donc par quelques caractéristiques nécessaires à un virus « histoire » viable :

Simplicité. L’histoire doit être facilement enseignable et compréhensible.

Irréfutabilité. L’histoire ne peut pas être facile à réfuter.

Conviction. Pour qu’une histoire s’enracine, ses hôtes ne peuvent pas se poser de questions ou émettre des hypothèses ou croire vaguement – l’histoire doit être particulière et se présenter comme la vérité absolue.

Contagiosité. Ensuite, l’histoire doit se répandre. Si un virus spécifique n’était bon qu’à s’attacher à un inconnu dans le Minnesota appelé Skip Walker, il pourrait effectuer un joli parcours tant que Skip est vivant, mais il mourrait avec Skip. De même, l’histoire d’un dieu qui n’aurait créé que Skip Walker, qui ne s’occuperait que de Skip Walker, et qui n’aurait de place au paradis que pour Skip Walker n’irait pas bien loin. Skip n’aurait probablement pas de réactions très positives en racontant cette histoire aux gens qui n’auraient aucune envie de l’adopter ou de la partager avec qui que ce soit d’autre. Pour être diffusable, une histoire doit être contagieuse – contenir quelque chose que les gens se sentent profondément obligés de partager et qui s’applique uniformément à de nombreuses personnes.

L’histoire, une fois crue, doit être capable d’influencer le comportement de son hôte. Elle doit donc inclure :

Bénéfices. Promesses de récompenses pour s’être bien conduit, promesses d’électrochocs pour s’être mal conduit.

Responsabilisation. L’affirmation que votre comportement sera connu par l’arbitre des rétributions – même, dans certains cas, lorsque personne n’est là pour le constater.

Exhaustivité. L’histoire peut dicter ce qui est vrai et faux, vertueux et immoral, valable et sans valeur, pertinent et sans importance, couvrant tout le spectre des croyances humaines.

Jusqu’ici, vous l’avez peut-être remarqué, l’histoire du Père Noël défonce tout.

Mais maintenant, nous devons examiner précisément quel comportement l’histoire induit. Le Père Noël est une excellente histoire pour susciter la discipline chez les enfants qui veulent des cadeaux. Et si l’évolution avait favorisé les humains de jadis qui étaient balaises pour nettoyer leur chambre, cela aurait pu devenir une histoire « adaptée ». Mais c’était pas l’idée.

Dans le jeu de l’évolution des histoires, les survivants à long terme seront ceux dont les hôtes s’en tireront le mieux au fil du temps.

Comme les micro-organismes dans notre corps, certaines histoires peuvent être parasitaires pour leurs hôtes.

Par exemple, pour qu’une histoire ait une longue durée de vie, ses croyants doivent être formidables pour transmettre leurs gènes, parce que les histoires se transmettent surtout par endoctrinement générationnel – elles sont héritables. Ainsi, les histoires qui l’emportent sur les instincts de reproduction s’éteindront. Je suis sûr qu’il y a eu, en cours de route, des tribus qui en sont venues à croire que le sexe était dégoûtant ou que les bébés étaient des diables ou que la maltraitance des enfants était une vertu ou que la circoncision des bébés devrait inclure les testicules – croyances qui ont conduit leurs gènes à l’extinction. Le fait que les prêtres d’aujourd’hui soient célibataires témoigne de la capacité des histoires à outrepasser les principes les plus fondamentaux de notre logiciel.[footnote2]Sapiens, Chapitre 2.[/footnote2] Mais cela ne rend pas l’histoire parasitaire pour l’avenir du catholicisme, car seuls quelques hommes catholiques sont prêtres. Les histoires faisant du célibat une obligation pour tout le monde disparurent rapidement.

Une histoire doit, au moins, également préserver un degré suffisant d’instinct de conservation chez ses hôtes. Je parierais que, quelque part, à un moment donné, une tribu fut persuadée que le suicide à l’âge de 16 ans était le seul moyen d’aller au paradis, tandis que mourir à tout autre âge vous envoyait directement en enfer. Vous n’avez jamais entendu parler de cette tribu parce qu’elle s’est ramassée la gueule.

Une autre histoire parasitaire serait celle d’une interdiction absolue de tout recours à la violence. Une histoire comme celle-là, sur l’ancien plateau de jeu, serait comme le VIH – désactivant le système immunitaire de l’hôte – et ne durerait pas très longtemps.

Les histoires qui réussiraient sur le long terme devraient plutôt être symbiotiques – permettant à leurs hôtes de devenir meilleur à la survie. Un peu comme dans l’histoire de Weinstein, « les porcs-épics peuvent tirer avec leurs piquants ».

Mais cela signifie-t-il nécessairement que ces histoires transforment les individus qui y croit en de meilleurs survivants ? Non, parce que, comme nous l’avons déjà dit, l’ancienne forme de vie humaine n’était pas seulement l’humain – c’était aussi le géant humain. Ainsi, le bon type d’histoire de symbiose s’alignerait avec le jeu de survie auquel les humains jouaient déjà. Elle devrait faire en sorte que les géants qui l’accueillent soient de meilleurs survivants.
Si la sélection naturelle exige des géants plus grands, plus forts et plus méchants, alors les histoires qui renforcent cette trajectoire seraient les plus adaptées de toutes. Notre évolution biologique nous a rendus tribaux pour nous aider à nous rassembler. La bonne histoire serait notre superglue.

Histoires « superglue »

Pour faire de la superglue humaine, voici quelques ingrédients logiques :

Ingrédient 1 : Valeurs Tribales

Dans le Chapitre 2, nous avons parlé de certaines des marques de fabrique qui caractérisent le tribalisme. Une histoire « superglue » sort le grand jeu à ce propos.

Il y a les « valeurs Nous > Moi » comme le conformisme et l’abnégation, et une histoire « superglue » renforce ces instincts en peignant un modèle clair de ce à quoi ressemble une personne bonne, juste et digne – quelque chose auquel les croyants essaieront de se conformer, pour leur statut social, et au nom de leur amour-propre.

L’histoire s’articulera autour de quelque chose de plus grand que les individus, que tous les croyants devront servir. Cette idée aide à comprendre pourquoi tant de merveilles humaines primitives furent des temples ou d’autres monuments dédiés au culte.[footnote2]Jonathan Haidt : “Two incompatible sacred values in American universities”[/footnote2] Le service collectif de quelque chose de plus grand a été la force derrière certaines des premières formes de coopération humaine à grande échelle.

Une histoire « superglue » fait également grimper les valeurs Nous > Eux. Toute l’histoire doit parler de gentils et de méchants, avec une distinction claire et nette entre les deux. Les gentils doivent être irréprochables à tous les points de vue – connaissances, talents, moteurs et vertu. Ce sont les gentils de maintenant, ils ont toujours été les gentils par le passé, et ils continueront d’être les gentils dans le futur. Les méchants sont l’opposé – ils sont et ont toujours été stupides, ignorants, malveillants et moralement arriérés. Les dissensions entre les gentils et les méchants sont toujours la faute des méchants.

Plus important encore, les méchants sont perçus comme une menace dangereuse et imminente. Rappelez-vous le proverbe Bédouin. Les humains sont des hybrides de la Tour de l’Émergence dont la mentalité peut monter ou descendre en prenant l’ascenseur de la tour – et rien ne saurait mieux acheminer les humains à l’étage de la « petite partie d’un organisme plus grand » que la menace d’un ennemi commun. Plus l’ennemi commun est grand, plus la colle est forte.

Sur le versant Nous > Eux, il y a un obstacle auquel l’histoire doit faire face : cet enquiquineur de Higher Mind (Esprit Supérieur) et toute sa désapprobation irritante du pillage, du viol et de la décapitation des gens. A cause de lui, il est difficile pour quiconque de haïr vraiment un vrai humain. C’est dur de piller une colonie où vivent de vrais humains. C’est dur de commettre une violence odieuse contre un vrai humain. Mais est-il difficile de faire subir d’horribles choses à la vermine et aux cafards vils et aux ordures révoltantes de la Terre et aux représentants de l’enfer ? Pas vraiment. Une histoire « superglue » efficace va plus loin que de dépeindre l’ennemi comme étant méchant et dangereux – elle le déshumanise.

Au cours des millénaires, l’artifice de la déshumanisation s’est transformée en la notion qu’il est non seulement acceptable de les tuer « Eux » mais qu’il s’agit du devoir d’une bonne personne. Des histoires géopolitiques optimisées transformeraient des gens ordinaires en tueurs en série en caractérisant le travail d’un soldat comme étant la vocation humaine la plus noble, noblesse ne pouvant être dépassée qu’à une seule condition : mourir pendant l’exercice de ses fonctions. Les histoires religieuses optimisées dépeindraient le meurtre de non-croyants comme le plus grand service rendu à Dieu et le fait de mourir durant l’acte comme un aller simple pour le paradis.

La faculté de déshumanisation est un autre cadeau du stratagème de l’illusion. Une tribu pouvait adorer la montagne locale autant qu’elle le souhaitait, mais si son délire s’était arrêté là, ses gènes ne seraient probablement pas des nôtres en 2019. Certes un géant se devait d’être grand, mais il se devait aussi d’être méchant. L’illusion que vos ennemis ne sont en fait pas des personnes en trois dimensions avec des histoires de vie comme la vôtre est la principale source d’agressivité d’un géant.

Ingrédient 2 : Une Reine des Abeilles

Si vous voulez que les gens se conduisent comme des fourmis ou des abeilles, donnez-leur une reine. La reine des abeilles peut être un souverain légitime ou une figure mythique ou une merveille naturelle ou une plus grande cause ou une patrie sacrée. L’important est que la reine des abeilles soit considérée comme plus sacrée que n’importe quelle forme d’accomplissement primitif. Les tribus se divisent lorsqu’elles deviennent trop grandes pour que chacun dans la tribu ait une relation intime avec le reste de ses membres – mais il n’y a aucune limite au nombre de personnes qui peuvent avoir leur propre relation intime avec la reine abeille.

Traditionnellement, la reine des abeilles d’une l’histoire est perçue comme toute-puissante. Défier un monarque ou un dictateur entraînait une condamnation à mort certaine – pour vous et peut-être pour toute votre famille. Les reines des histoires religieuses, libérées des contraintes du monde réel, ont poussé les choses encore plus loin, catapultant les récompenses à des sommets inimaginables, brandissant des sauci-snack et des électrochocs à en faire faire une syncope à Moochie. Le Primitive Mind (l’Esprit Primitif) humain est câblé ainsi comme une gamme complète de possibilités de récompenses et de sanctions :

Cependant, les histoires « superglue » optimisées, capables d’écrire la réalité, ont innové avec des prolongements de cette fourchette si alléchants ou terrifiants pour nos Primitive Minds qu’ils ont rendu tout le reste banal.

Étendre la portée de cette façon écarte toutes les précautions que le Primitive Mind aurait prodigué en cas d’amplitude standard. Si vous finissez brûlé en enfer au bout du compte, toute cette nourriture, cette amitié, ce sexe et ce pouvoir que vous avez acquis durant votre vie ne vous servent à rien. Si vous devez faire des choses en apparence horribles pour gagner un billet pour le paradis éternel, vous le ferez sans hésiter.

Les dirigeants humains se sont lancés dans le jeu de l’au-delà en prétendant avoir un lien direct avec le divin, ou en offrant le paradis éternel ou l’enfer à l’identité d’une personne – à l’aide de statues, de monuments et d’héritages gravés dans le marbre de l’éternité.

Ce qui nous amène à l’ingrédient suivant.

Ingrédient 3 : Un Lien Identitaire

Une histoire « superglue » s’entrelace presque toujours avec l’identité de ses croyants. Vous savez qu’une histoire « superglue » est connectée à l’identité de ses croyants quand vous les entendez utiliser l’histoire comme un nom pour se décrire – quand ils se font appeler « un [histoire]ien » ou « un [histoire]iste » ou quelque chose comme ça.

Pour les croyants de la même histoire, l’identité basée sur l’histoire donne, à de parfaits étrangers, un moyen de se faire confiance, favorisant ainsi la coopération et le commerce.[footnote2]Sapiens, Chapter 2.[/footnote2]

Et en cristallisant l’identité de ses croyants, une histoire devient protégée par la flamme primitive ancrée au plus profond du cœur humain. Plutôt que d’essayer de convaincre Moochie de se comporter différemment, les Johnsons ont simplement laissé sa quête pour les friandises pour chiens faire le boulot, en liant l’obéissance à la satisfaction primitive. Lorsqu’une histoire est liée à notre identité, le même phénomène se produit. Pourquoi réinventer la roue quand on peut simplement sauter sur la banquette arrière de la machine humaine au fonctionnement le plus profondément enraciné ?

Quand on appréhende une histoire comme un objet externe, sa remise en question ne constitue qu’un argument intellectuel. Mais quand les croyants s’identifient à une histoire, quelqu’un défiant l’histoire est une menace personnelle. Et puisque nos cerveaux sont notoirement mauvais pour faire la distinction entre notre identité psychologique et notre corps physique, la menace personnelle n’a pas l’air d’une insulte – elle a l’air d’un danger.

Pour en rajouter une couche sur l’entourloupe de l’identité, les histoires s’attacheront aussi à l’identité de l’ensemble du géant humain, puisque le groupe utilisera l’histoire pour se définir.

Si un géant humain est uni par la croyance en une histoire commune, cette histoire peut devenir synonyme de « Nous » pour ses membres. Et pour une culture avec une attitude tribale, cela fait de l’histoire un objet sacré.

Quand une histoire devient sacrée pour un groupe de personnes, vous entendrez beaucoup de gens passer beaucoup de temps à dire à quel point l’histoire est vraie – à quel point le dieu de l’histoire est grand, à quel point les valeurs de l’histoire sont supérieures ou, le plus souvent, à quel point les méchants de l’histoire sont méprisables et dégoûtants. Aujourd’hui, nous appelons cela la vertu ostentatoire. C’est une pratique tribale répandue, dans la mesure où faire ceci :

Revient en fait à faire ça :

Ce qui revient en réalité à faire ça :

Ce qui n’est rien d’autre que ça :

Faire allégeance à l’histoire est le meilleur moyen de faire allégeance à une tribu basée sur une histoire. Et quand quelqu’un fait ça, les membres de la tribu, en partie pour exprimer leur propre allégeance, vont répondre en disant des trucs comme :

Ce qui, pour la personne ayant exprimé son allégeance, sonne comme :

En revanche, lorsqu’une histoire est culturellement sacrée, la remise en question de celle-ci est culturellement taboue. Le sacré et le tabou sont presque toujours les faces opposées de la même médaille – l’épée et le bouclier de l’uniformité. Et violer un tabou est une chose qu’il est risquée de faire. Parce que dire ceci :

Est vu par le reste de la tribu comme :

Ce qui pourrait rapidement se transformer en ça :

En s’attachant aux identités des croyants, tant au niveau de l’émergence individuelle que collective, une histoire « superglue » devient synonyme de « Nous » et synonyme de « Moi » dans l’esprit de ses fidèles. Grâce à cette double identification et par le biais de la relation transitive, Moi et Nous ressentent qu’ils sont une seule et même entité, liés ensemble par la colle de l’histoire.

Chacun de ces trois ingrédients repose considérablement sur l’illusion. Pour être en mesure de croire le genre de postulats inhérents à une histoire « superglue », il faut avoir un Videur de la Raison relativement incompétent. C’est là que le brouillard se forme. Quand le Primitive Mind domine dans la tête d’une personne, la pièce s’embrume tellement que la clarté, la sagesse et les pouvoirs du Higher Mind en matière de logique cohérente, d’empathie universelle et d’imagination instrumentalisée de manière responsable s’estompent et s’affaiblissent. Les manipulations émotionnelles du Primitive Mind ont alors beaucoup plus d’influence sur la personne, et il a carte blanche pour manipuler les super-pouvoirs à sa guise.

L’illusion n’est pas la même chose que le brouillard. Le brouillard en soi n’est que confusion, désarroi, oubli. L’illusion est le brouillard, plus l’illusion de clarté. L’illusion n’est pas la confusion à propos de ce qui est vrai – c’est une croyance totale en ce qui n’est pas vrai. Quand le Primitive Mind est pleinement habilité, il peut repousser la raison tout en stimulant l’imagination au maximum – ce qui peut laisser une personne croire avec vivacité à des choses folles, y compris la croyance que c’est son Higher Mind qui est en train de penser et que ce qu’elle croit a été entièrement approuvé par la raison.

La capacité d’admettre un cheval de Troie – histoire « superglue » dans nos croyances, par le biais d’une conscience embrumée, constitua un fort attribut de survie – si fort que chaque personne sur Terre aujourd’hui y est sujette. Nous avons tous une propension à croire aux histoires « superglue », et si vous pensez être une exception, vous êtes peut-être… un peu dans l’illusion.

Mais comme toujours, l’humanité a du grain à moudre. Aussi sensibles que nous soyons aux supercheries du Primitive Mind, nous sommes aussi chacun la demeure d’un Higher Mind déterminé – et peu importe combien de gens croient à une histoire « superglue », il y aura toujours des gens lucides parmi eux.

C’est pourquoi même l’histoire « superglue » la plus collante connaît quelques écueils – parce que la chose qui fait d’une histoire un moyen efficace d’influencer le comportement humain la rend de fait précisément vulnérable. Une histoire que l’on croit mutuellement peut ériger le géant le plus fort des plus forts – mais la force qui dépend de la conviction est également fragile. La foi est une astuce remarquable mais bon marché pour maîtriser le comportement, et les astuces bon marché peuvent s’effondrer. Il suffit d’une personne particulièrement charismatique avec une nouvelle histoire encore plus convaincante pour sortir les gens du droit chemin de l’histoire sacrée et créer un schisme au beau milieu du géant.

Si un géant s’appuie sur la colle pour survivre, et que cette colle est générée par une croyance commune en une histoire, toute menace à cette croyance est tel un cancer pour le géant. Il peut se propager, et s’il se propage suffisamment profondément, le géant tombera en miettes. Les histoires dont les hôtes ne furent pas bons pour la lutte contre ce cancer n’ont pas survécu. C’est pourquoi l’ingrédient final de la superglue est l’outil indispensable de lutte contre ce cancer.

Ingrédient 4 : Un Gourdin

Je vous présente le gourdin :

S’il y a bien un thème récurrent parmi toute l’histoire de l’humanité, aux quatre coins du monde, c’est sans doute des hommes persécutant d’autres hommes. C’est parce que l’intimidation est l’une des principales façons dont le Primitive Mind fait des affaires. L’intimidation, ça n’est que des humains qui font des affaires dans un format primitif : les Jeux de Pouvoir.

Les Jeux de Pouvoir se déroulent principalement comme suit : tout le monde agit de manière totalement égoïste, et chaque fois qu’il y a un conflit, celui qui a le pouvoir d’obtenir gain de cause obtient gain de cause. Ou, plus succinctement :

Chacun peut faire ce qu’il veut, s’il a le pouvoir de le faire.

Il n’y a pas de règles dans les Jeux de Pouvoir – seulement le gourdin. Et celui qui le détient dicte les règles.

Le monde animal fait presque toujours des affaires de cette façon. L’ours et le lapin du Chapitre 1 sont entrés en conflit pour la même ressource – le corps du lapin. Le lapin voulait continuer à avoir son corps pour être en vie et l’ours voulait manger le corps du lapin pour obtenir quelques points de vie de son environnement. Une lutte de pouvoir s’ensuivit entre les deux, que l’ours gagna. Le pouvoir d’un ours se traduit tout simplement par « être un gros connard super fort ». Mais pouvoir n’est pas synonyme de force. La puissance d’un lapin se présente sous forme d’oreilles sensibles, de réflexes rapides et de vitesse de course (de rebond ?) – et si le lapin avait été un peu meilleur à être un lapin, il aurait pu échapper à l’ours et conserver cette importante ressource.

Le pouvoir des humains réside dans leur nombre. C’est pourquoi la colle tribale était si importante dans le monde antique. Plus de colle = plus grande tribu = plus gros gourdin. Et dans les Jeux de Pouvoir, un plus gros gourdin est le moyen d’atteindre tous les objectifs importants : la sécurité, les ressources, les partenaires, la quiétude.

Tout aussi importante que la taille du gourdin tourné vers l’extérieur d’une tribu (« l’armée » du géant) est la taille de celui qu’elle pointe vers ses propres membres (la « police » du géant). L’une lutte contre les menaces extérieures – l’autre contre le cancer.
Les trois premiers ingrédients contiennent un gourdin intégré : Le tribalisme génère une pression des pairs au conformisme, et une peur d’être étiqueté comme un membre secret du clan « Eux », marginalisé (ou pire). La peur de la reine des abeilles se traduit par la censure de tout dissident qui ne souhaite pas mourir. L’identification à l’histoire amène les gens à protéger l’histoire comme s’ils protégeaient leurs propres enfants.

Une histoire « superglue » va généralement encore plus loin et esquisse un gourdin directement dans ses pages – c’est une histoire jalouse qui interdit expressément de croire en d’autres histoires.

Je suis sûr que certaines histoires anciennes étaient détendues à propos de certains trucs, soutenant la valeur de la tolérance envers une multitude d’idées et de croyances. De telles histoires encourageaient probablement la discussion et le débat sur la vérité et l’erreur, ou le bien contre le mal, et elles soulignaient probablement que les gens ne sont pas leurs croyances et que différentes personnes peuvent croire différentes choses et demeurer de bonnes personnes.

Mais vous ne pouvez pas construire une ruche hermétique autour d’une histoire tolérante – et même si vous le pouviez, quand les Jeux de Pouvoir sont tout autour de vous, ce n’est qu’une question de temps avant que la tolérance ne se fasse piétiner par l’intolérance.

Une histoire « superglue » prospère a pour valeur centrale l’intolérance – explicitant, comme partie intégrante de l’histoire, que les dissidents « internes » doivent être anéantis. Cela a conduit à des concepts comme l’hérésie, le blasphème, la trahison et l’apostat, qui ont eu pour conséquences emprisonnement, exécution, et damnation éternelle.

Tout comme le gourdin orienté vers l’extérieur d’un géant, le gourdin interne repose sur le nombre. Si une masse critique de membres d’une tribu souhaite que tous les membres de la tribu se comportent d’une certaine façon, ils peuvent forcer les dissidents à se soumettre.

Le phénomène de « masse critique barbare » peut transformer une histoire inventée dans laquelle quelques personnes vivent en l’environnement réel dans lequel tout le monde vit. Quand il y a assez de gens pour croire en un dieu qui veut la mort de quiconque disant X, ceux qui disent X finissent en effet par mourir. Quand assez de gens pensent que dire Y signifie que vous n’êtes pas un membre de la tribu, dire Y vous excommunie vraiment. Si une histoire pouvait changer le comportement d’un nombre suffisant de personnes par endoctrinement, les croyants modifieraient le comportement du reste par intimidation. Cela crée une boucle qui peut garder une histoire, une fois implantée, sous le contrôle d’une tribu pendant des siècles.

La boucle auto-entretenue « endoctrinement-intimidation » est la terre promise du virus de « histoire ». C’est la raison pour laquelle tant d’histoires semblent s’enraciner dans les croyances humaines depuis des siècles, alors que l’espèce continue pourtant à améliorer sa connaissance de la réalité.

Du parfait au plus parfait

Au fil des siècles, des histoires « superglue » super-optimisées se sont affrontées pour se surpasser dans un jeu de géants à la croissance fulgurante.

Au fur et à mesure de l’évolution de nos histoires, leurs hôtes ont fait de même. L’évolution n’est lente que parce que les changements environnementaux sont généralement lents. La faculté de mutation rapide des histoires aurait-elle aussi pu accélérer notre évolution psychologique ?

Dans un contexte de Jeux de Pouvoir, les hommes avec une attirance naturelle vers le tribalisme et la conformité, avec une forte imagination et un raisonnement douteux, et un instinct pour plaire aux gens puissants plutôt que de les défier, ont peut-être été les meilleurs survivants. Cela expliquerait beaucoup de choses sur le monde qui nous entoure aujourd’hui.

En attendant, les gens enclins à être manipulés par les histoires sont aussi enclins à être manipulés par d’autres personnes – et les habiles opportunistes ont sauté sur l’occasion.

Ils ont réalisé que le lavage de cerveau offrait le plus gros gourdin de tous. Si vous pouvez laver les cerveaux, vous pouvez écrire l’histoire. Si vous pouvez écrire l’histoire, vous pouvez ébaucher la réalité. Vous pouvez écrire les valeurs, la morale, les us et les coutumes. Vous pouvez raconter qui étaient les gentils et qui étaient les méchants. Vous pouvez rédiger les règles, distribuer les récompenses et appliquer les sanctions. Et si vous pouviez écrire toutes ces choses, vous pourriez écrire le comportement des gens. Si vous pouviez laver les cerveaux, vous pourriez vous prendre pour Dieu.

A mesure que les géants humains grandirent, les meneurs les plus habiles se sont faits concurrence pour contrôler les histoires contrôlant les géants. D’aucuns prétendent avoir une connaissance du divin afin de mieux tirer les ficelles. Certains attisent la peur en racontant des histoires de danger imminent ou invoquent la rage en colportant des anecdotes d’injustices dans le but de rassembler une armée de partisans. Certains font couler de l’encre à propos de leur propre impitoyabilité ou de leur propre mérite, ou de leur propre statut légitime de reine des abeilles – dans le but d’atteindre cette sympathique masse critique d’endoctrinement où défier cette reine des abeilles imaginaire vous fera décapiter.

Au cours de centaines de siècles, des histoires « superglue » hyper-optimisées ont traité de tellement de fondations de manière si approfondie qu’elles ont pu faire quelque chose que l’évolution biologique n’a jamais pu faire – convaincre des foules d’êtres humains de coopérer. Plutôt que de réprimer la flamme primitive humaine, ces histoires l’ont exploitée, en ont saisi les rênes, et l’ont réorientée – en faisant travailler de concert des flammes individuelles, les dirigeant dans toutes dans les directions dictées par l’histoire.

Avec une colle pareille, nous avons transformé nos petits géants primates en monstres à la conquête du monde.

En un battement de cil à l’échelle des temps géologiques, nous sommes passés de millions d’animaux dispersés dans les forêts du monde aux milliards de personnes vivant dans de vastes civilisations, s’arrachant au monde animal en surplombant la chaîne alimentaire comme aucun autre animal ne l’avait jamais fait.

Et pourtant...

… Qu’est-ce qu’on en tire ?

On traverse toujours la même merde que depuis nos vieux jours – toujours coincés dans la même vieille lutte de pouvoir à somme nulle à laquelle le lapin et l’ours étaient confrontés au début du Chapitre 1. On joue toujours aux Jeux de Pouvoir. Simplement à une échelle plus grande.

Nous sommes passés de tribus qui mettent au point des guets-apens dans leurs villages respectifs à des royaumes qui envahissent leurs côtes respectives. De seigneurs de guerre brutaux réduisant dix personnes en esclavage, à des seigneurs féodaux en asservissant mille. De clans qui se battent pour des lopins de terre convoités


– A des empires se faisant la guerre pour des continents convoités.

Nous nous sommes hissés jusqu’au sommet de la Tour de l’Émergence –

– pour finalement agir comme de capricieuses tribus de primates une fois là-haut. Avec de plus grands géants, certes, mais toujours la même merde.

Bien sûr, il y a eu des avancées majeures – nous avons fait d’inimaginables progrès. La coopération à grande échelle a propulsé la connaissance et la technologie de l’homme jusqu’à la stratosphère, et, d’une certaine manière, la qualité de vie s’est élevée avec son appui. Les histoires « superglue » du monde, malgré tous leurs inconvénients et leurs dégâts, ont également été la source de certaines des valeurs les plus sages et les plus érudites de notre histoire, et ont parfois été le fondement de la paix et de la stabilité.

Mais nous sommes arrivés à cette dinguerie futuriste que fut l’an 1700, et la plupart des humains vivaient telle une cellule au sein d’un géant humain où les règles, les droits et les ressources ruisselaient depuis une poignée de gens au-dessus de tous les autres.

Pour presque tout le monde, ça signifiait que même si votre destin était en partie façonné par votre biologie, votre éducation, vos choix et votre chance – tout ça dépendait surtout de Monsieur « Point d’Interrogation » qui se trouvait être au sommet de votre géant, et de quel type de d’histoire « Point d’Interrogation » dominait dans sa culture.

Comment l’histoire et le souverain du « Point d’Interrogation » se comportaient au sujet de la liberté, l’équité ou votre groupe ethnique particulier conditionnait toute la façon dont vous pouviez vivre. C’était comme tirer une carte d’un jeu et espérer qu’elle soit haute. Si vous piochiez un valet de cœur et étiez né enfant de noble dans l’une des castes supérieures présumées du dictateur, vous pouviez potentiellement mener une vie prospère et agréable. Mais la plupart du temps, on se retrouvait avec le 7 de trèfle et on passait sa vie de paysan dans la mouise, ou bien on tirait un 4 de carreau et on se retrouvait esclave pendant 40 dures années, voire on tombait sur un 2 de pique et on se retrouvait balancé à l’étranger, à 13 ans, suites aux délocalisations de Monsieur Point d’Interrogation, et la messe était dite. Même si vous aviez tiré une carte plutôt correcte, votre leader n’était en retard que d’une crise cardiaque ou d’un assassinat au profit d’une nouvelle reine des abeilles, prenant le contrôle du géant et battant à nouveau les cartes.

Malgré toutes nos avancées, nous n’avions pas progressé là où c’était le plus important – le monde des hommes demeurait, comme le reste du monde animal, un endroit stressant où vivre.

Revenons à nos moutons avec cette étrange créature.

Quand on considère l’histoire de l’humanité principalement comme la production d’un logiciel – et quand on considère le fait que ce logiciel, contrairement à notre civilisation qui évolue rapidement, n’a pas vraiment été mis à jour depuis 10 000 ans – il apparaît soudainement tout à fait clair que les peuples du monde de l’an 1700 se comportent comme les humains du passé, à une plus grande échelle, rabâchant les mêmes sempiternelles ritournelles.

Quand on se souvient que le Primitive Mind se soucie de l’immortalité génétique (pas des gens), on peut également se rappeler pourquoi il n’est pas surprenant qu’une espèce qui tourne sur ce logiciel puisse développer une civilisation avancée tout en continuant à créer des vies toujours aussi nazes pour la plupart des gens. Quand le Primitive Mind est aux commandes, la vie est souvent naze.

Mais qu’en est-il du Higher Mind ? Où diable se trouve-t-il dans tout ça ?

Il est coincé comme un citoyen de seconde zone dans la tête de l’homme, voilà où il est.

Les Jeux de Pouvoir sont le produit du Primitive Mind parce que les Jeux de Pouvoir sont l’unique façon dont le Primitive Mind deale avec la vie. Et compte tenu de la forte influence du Primitive Mind sur l’intellect humain – et le don qu’ont les Jeux de Pouvoir pour éclipser tout jeu concurrent – notre espèce est attirée vers les Jeux de Pouvoir avec une force qui s’exerce constamment comme la gravité.

Mais voilà le problème : le Higher Mind est fort pour plein de trucs, mais pas pour les Jeux de Pouvoir. Les Jeux de Pouvoir sont la survie du plus féroce, la survie du plus avide, et la survie du plus conformiste. Ils favorisent le tribal, les manipulateurs et les crédules, les tyrans et les tyrannisés – chacun d’entre eux se trouvant directement à la barre avec le Primitive Mind. Le Higher Mind n’est pas taillé pour ces trucs-là. L’Histoire est parsemée de moments de triomphe du Higher Mind, mais ce n’est généralement qu’une question de temps avant que ladite culture de l’esprit élevé ne soit piétinée par les inextricables Jeux de Pouvoir.

Si tout le monde arrêtait simultanément de jouer aux Jeux de Pouvoir, les Higher Mind du monde pourraient peut-être se retrouver aux manettes pour de bon, mais dans un monde où certaines personnes jouent aux Jeux de Pouvoir, jouer aux Jeux de Pouvoir devient une condition de survie pour tous 3, perpétuant le cycle. C’est une boucle étouffante dans laquelle le Higher Mind ne semblent pas pouvoir trouver d’issue.

Mais au-delà de tout ça – par-delà l’Ère Glaciaire, l’ Âge du Bronze et du Fer, par-delà la naissance et la chute des empires, par-delà les guerres, les fléaux et les génocides, sous des kilomètres et des kilomètres au milieu d’une insondable purée de pois, le Higher Mind demeure.

Et c’est peut-être très éventuellement qu’après des centaines de milliers d’années passées sur la banquette arrière du cerveau humain, les rôles s’inverseraient.

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Sources et lecture connexes

Yuval Noah Harari: Sapiens. Chapter 2 especially helped inform and crystalize the ideas in this post. Fascinating read for anyone who found this post interesting.

I don’t remember where I first heard Bret Weinstein talk about metaphorical truth, but here he is explaining it.

In researching the psychology of sacredness, and how it can be a lever for tribalism, I kept coming across the work of French sociologist Émile Durkheim. You can read about some of his major theories here.

Regarding the tension between strength and stability as human groups grow in size, you’ll often hear about Dunbar’s Number, which in pop culture has been simplified to the idea that 150 people is a kind of ceiling human groups run up against before losing the ability for intimate relationships to glue the group together. There has been a lot written about Dunbar’s Number—one I found interesting is a series written by Christopher Allen on his blog Life With Alacrity.


  1. Je me suis rendu compte après avoir dessiné ça qu’il est bizarre que tous les grands-parents soient morts. Mais je n’avais pas envie de rajouter d’autres personnes au hasard sur la photo, donc, malheureusement, les grands-parents continueront d’être morts.

  2. Pour mémoire, le proverbe dit : « Moi contre mes frères ; mes frères et moi contre mon cousin ; mes cousins, mes frères et moi contre le monde. »

  3. Ca me rappelle le monde de Game of Thrones, dans lequel tout personnage qui n'est pas du genre à en tuer d’autres finit tout simplement par mourir assez rapidement. Même le gentil petit gros bibliothécaire a dû poignarder un marcheur blanc dans le dos pour rester en vie.

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